OHADA : Conventions Libres Interdites Règlementées 11


Les dirigeants (administrateurs, gérants, présidents, directeurs généraux et adjoints) ont la possibilité d’avoir des relations d’affaires avec la société dirigée ou administrée par le biais de conventions. Ces conventions ont diverses qualités : interdites, libres ou règlementées.

Elles sont expressément déterminées dans les société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA), et société par actions simplifiée (SAS).

Conventions interdites

Convention InterditeLes conventions interdites sont celles présentant un risque majeur pour le patrimoine de l’entreprise [1].

Elles sont spécifiées dans les articles 356, 450, 507, 853-16 et suivants de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE.

Personnes concernées

Cette interdiction concerne : les administrateurs, les représentants permanents des personnes morales administrateurs, le président, les directeurs généraux et adjoints, l’administrateur général, l’administrateur général adjoint, le gérant, les conjoints, ascendants et descendants de ses diverses personnes, voire autres personnes intéressées.

Actes prohibés

Les personnes précitées sont interdites de :

  • contracter des emprunts auprès de la société
  • se faire consentir par elle un découvert en compte courant
  • se faire cautionner ou avaliser  par la société, leurs engagements envers des tiers.

Il en résulte qu’il est interdit d’utiliser le crédit de la société au profit des dirigeants, de leurs parents ou de leurs proches.

Sanctions

La sanction est la nullité absolue de la dite convention entraînant l’impossibilité d’une confirmation ultérieure. La société opposera cette nullité au tiers sauf s’il est de bonne foi [2].

Exceptions

Les conventions interdites comportent deux (2) exceptions :

Administrateurs, personnes morales

la société peut consentir des emprunts, avals et autres à une personne morale administrateur. L’intérêt de cette exception est notamment de faciliter la constitution d’un pool de trésorerie ou sein d’un groupe. Ainsi, les filiales peuvent consentir des avances au profit de la société-mère.

Néanmoins, cette exception est soumise à l’autorisation préalable d’un organe collégial (conseil d’administration ou assemblée générale) en fonction des sociétés.

Etablissements bancaire ou financier

ils peuvent accorder des prêts ou des garanties à leurs dirigeants. Cependant, ces opérations doivent avoir un caractère courant savoir relatif à l’activité de l’établissement ; et être conclues à des conditions normales d’où des conventions libres.

Conventions libres

Convention LibreCe sont des conventions effectuées entre les dirigeants et la société portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

L’opération est :

Courante

Elle correspond à celles effectuées habituellement dans le cadre de l’activité de l’entreprise, par exemple vente des marchandises ou services de l’entreprise.

Normale

Les conditions sont comparables à celles pratiquées aux autres entreprises du même secteur par exemple prix, durée, garanties…

Exemple

Les dirigeants d’une entreprise peuvent acheter les produits ou services de l’entreprise, comme n’importe quel client, à condition que les conditions soient conformes au prix du marché.

 

Conventions règlementées

Ce sont des conventions qui ne sont ni libres, ni interdites. Elles sont donc soumises à une procédure d’autorisation et de contrôle indépendamment de leur objet [3].

Elles se manifestent dans les conventions directes ou indirectes.

Conventions directes

Une convention entre la société et un intéressé qui peut être, suivant le type d’entreprise, associé, gérant, directeur général, président, directeur général adjoint, administrateur, administrateur général, administrateur général adjoint, de la dite société. (Que nous nommerons simplement “intéressé” par la suite)

Convention Directe

Conventions indirectes

Elles ont de nombreuses variantes mais leur point commun est qu’elles ne sont pas conclues directement entre la société et un intéressé mais plutôt conséquence d’un accord entre la société et une autre entité (par exemple une autre société, ou une entreprise individuelle, …) dans laquelle l’intéressé est également partie prenante à un titre ou un autre, ou par personne interposée.
Entre d’autres termes, un intéressé de la société A est également un intéressé de la société B et A et B ont conclu un accord. Par exemple une convention entre la société et une autre société dans laquelle un intéressé détient une participation supérieure ou égale à 10%.

Situation

 

Situation Convention Indirecte

 

Résultat

Convention Indirecte

Procédures

La procédure de validation des conventions règlementées comporte plusieurs étapes dans les SA [4] :

  • Information du conseil d’administration par le dirigeant ou l’actionnaire concerné : dès la connaissance d’une convention soumise à autorisation. Cette information doit indiquer sa situation, son intérêt personnel.
  • Autorisation préalable du conseil d’administration : elle s’effectue par le biais d’un vote. L’intéressé lorsqu’il est administrateur ne participe pas au dit vote, et sa voix n’est pas prise en compte pour le calcul du quorum et la majorité pendant les délibérations.
  • Information du commissaire aux comptes : le président (PDG ou PCA [5]) avise le commissaire aux comptes dans un délai d’un (1) mois à compter de la conclusion des conventions autorisées.
  • Rapport spécial du commissaire aux comptes : il présente un rapport relatif aux conventions autorisées. Ce rapport indique : l’identité du bénéficiaire, la nature et l’objet de la convention, ses spécificités (indication du prix ou des tarifs pratiqués, les commissions consenties, les suretés conférées…). Le rapport établi, doit être mis à la disposition des actionnaires au minimum 15 jours avant la date de l’assemblée générale ordinaire annuelle [6]. L’élaboration de ce rapport est importante car les conventions adoptées par l’assemblée générale sont nulles, si elles sont prises sans ledit rapport.
  • Approbation pendant l’assemblée générale ordinaire annuelle : cette assemblée est l’organe compétent pour approuver les conventions autorisées. L’intéressé, s’il est actionnaire ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Effets

  • La convention règlementée approuvée ou désapprouvée par l’assemblée générale ordinaire annuelle, produit des effets à l’égard des cocontractants et des tiers, sauf si elle est annulée pour fraude, conformément à l’article 443 dudit Acte Uniforme.
  • L’opposabilité des conventions règlementées désapprouvées par l’assemblée générale ordinaire annuelle, se justifie car dès leur autorisation par le conseil d’administration, elles sont souvent applicables.
  • Toutefois, les conséquences dommageables de ces conventions (perte ou bénéfice indu) préjudiciables à la société, peuvent être mises à la charge de l’actionnaire ou du dirigeant, éventuellement des autres membres du conseil d’administration.
  • Par ailleurs, les conventions conclues sans autorisation préalable du conseil d’administration, peuvent être annulées si elles ont des conséquences dommageables pour la société. L’action en nullité se prescrit par trois (3) ans à compter de la date de la convention [7]. Cette action en nullité peut être exercée par les organes de la société ou par tout actionnaire agissant individuellement.

Conclusion

En définitive, les conventions au sein de l’entreprise revêtent des formes très variées, d’où l’intérêt de qualifier préalablement leur nature avant tout engagement. Cette prudence évite d’être sous le joug d’une annulation voire des dommages et intérêts conséquents, et surtout la perte de confiance envers ses co-associés ou des co-dirigeants.

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Bibliographie


[1]Droit des sociétés, Maurice COZIAN, Alain VIANDIER, et Florence DEBOISSY.

[2] Cf. 1.

[3] Conformément à la combinaison des articles 350, 438, 502, 853-14 et suivants dudit Acte Uniforme.

[4] Ces étapes peuvent être réadaptées selon les autres formes sociales.

[5] Président directeur général ou président du conseil d’administration.

[6] Selon l’article 442 de l’Acte Uniforme précité.

[7] Selon l’article 445 de l’Acte Uniforme précité.


A propos de Thérèse Beticka

Co-créatrice du blog Business-en-Afrique.net, Fondatrice Gérante du Cabinet Daisy Conseils, Enseignante en Droit des Affaires, Consultante externe près la Commission Nationale OHADA Guinée, Arbitre CCJA (Cour Commune de Justice et d’Arbitrage à Abidjan)

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