Introduction
Dans cet article, nous présentons la SARL RYDINATURE [1], dont la gérante, Nadia Cario, a bien voulu, de façon simple, directe et franche, nous dévoiler les ficelles, le mode de fonctionnement, les difficultés, les espoirs … Considérez ce témoignage comme un exemple de la vraie vie, riche d’enseignements dans sa particularité même, comme une leçon de vie et pas comme une leçon de choses ni comme une recette d’entreprise en x points qu’il suffirait d’appliquer.
Portrait de l’entrepreneur
Nadia a passé un bac littéraire au Sénégal puis elle est venue en France poursuivre ses études qu’elle concrétise notamment par l’obtention d’un BTS d’action commerciale.
Aventureuse, Nadia va se rendre à Londres où elle fera toutes sortes de petits jobs, comme par exemple réceptionniste ou “doggy sitter” comme elle dit, c’est à dire en charge de gardienner des chiens (de luxe) à maîtres fortunés !
Nadia garde un excellent souvenir de son séjour londonien notamment parce qu’elle ne s’y est pas sentie soumise à considérations d’aucune sorte, mais appréciée pour ses seules capacités à assurer une travail, une mission, et donc avec le sentiment d’être elle même et épanouie.
La couverture sociale en Angleterre laissant à désirer, si vous n’y mettez pas de votre poche en cotisations volontaires auprès d’assurances privées, c’est une bonne rage de dents qui demandait une intervention trop couteuse pour sa bourse qui ramènera Nadia en France !
Frustrations
Mais quelqu’un, quelque part, doit bien faire les choses car en France Nadia soigne ses dents à peu de frais, et surtout rencontre l’amour et se marie. Elle travaille dans l’assurance et la finance (entre autres), mais malgré la réussite dans son travail, elle supporte mal l’autorité et la hiérarchie (“Alors que mon père était Gendarme !” dit-elle en riant …), et elle n’apprécie guère qu’on lui dicte sa façon de travailler.
Sa capacité de résistance en matière de salariat atteint toujours ses limites après quelques temps, et elle finit toujours par démissionner des ses divers emplois, consciente que là ne doit pas être sa voie. “Je savais depuis toujours qu’il fallait que je travaille pour moi” nous dit-elle.
Inspiration et soutien
Ni le mariage ni le salariat n’ont mis fin à sa soif d’indépendance et d’épanouissement, elle cherche à monter sa propre affaire, et à y associer son pays d’origine d’une manière ou d’une autre, inspirée sans doute par l’exemple de sa mère (ma “première idole, la première personne que j’admire”) une de ces femmes africaines autodidactes commerçantes naturelles, capables de monter une affaire à partir de rien et de la faire prospérer durablement. Enfin son mari adhère pleinement et soutient activement le projet parallèlement à son emploi.
Idée business
La mission initiale de l’entreprise peut se résumer ainsi “Fabriquer et commercialiser en France des produits alimentaires biologiques fondées sur le fruit du baobab sous la marque BIO Mansoa : poudre, boissons, confiture et pâtes de fruits, huile”. Rapidement, deux produits s’ajouteront pour enrichir et se combiner à l’offre initiale : gingembre et fleur d’hibiscus. On notera que si les matières premières sont importées d’Afrique (Du Sénégal en l’occurrence), les produits finis sont fabriqués en France.
Dans la genèse d’une idée, il y a vraisemblablement une part personnelle et une part qui vient de l’air du temps.
Dans ce cas, l’air du temps c’est l’intérêt général et grandissant aux produits naturels, à la diététique, avec en parallèle la recherche de certains composants supposés bénéfiques pour la vitalité et leur mise en évidence au sein de nombreux produits végétaux “exotiques” (relativement au point du vue occidental) comme le fruit du baobab, la fleur d’hibiscus, le moringa, l’amarante … pour ne citer que quelques vedettes.
La part personnelle c’est le fait de réaliser que ce même baobab n’est autre que l’arbre majestueux mais familier de son enfance qui pousse en toute simplicité, sans intervention humaine. Un don de la nature qui prodigue généreusement les bienfaits de ses fruits, dont on fait traditionnellement la “bouille” au Sénégal.
L’idée est le résultat de la prise de conscience d’un contraste saisissant pour qui veut le voir, entre la sophistication d’une demande et la simplicité de sa solution.
En résumé :
- d’une part des populations occidentales développant un attrait de plus en plus prononcé pour leur bien être physique et la conservation de leur santé, parallèlement à une méfiance de plus en plus grande envers les solutions chimiques et médicamenteuses (même s’ils ont encore beaucoup de mal à résister à la pression médicale en la matière)
- d’autre part des plantes capables de satisfaire ce besoin et prospérant de façon naturelle en Afrique.
L’acte fondateur de l’entrepreneur et d’établir une connexion entre un besoin et un moyen de le satisfaire. Ensuite, secondairement, d’imaginer comment faire se rencontrer ces 2 éléments, en d’autre terme imaginer le processus pour ce faire, processus qui constituera l’activité quotidienne de l’entreprise.
On pourrait avancer que l’idée ne parait pas particulièrement originale. Ce n’est certainement pas un problème, au contraire même, ceci me conforte dans le constat que beaucoup d’entrepreneurs en herbe (notamment africains) pensent à tort qu’ils leur faut une idée unique pour avoir une chance de faire prospérer une entreprise. Ils se focalisent alors sur la protection paranoïaque de cette idée qu’en général ils ne mettront jamais en oeuvre … [2]
Fonctionnement de l’entreprise
Approvisionnement
Fournisseurs
Il fallait trouver un fournisseur de graines de baobab avec une certification BIO. Les recherches se sont effectuées au Sénégal et notamment avec l’aide de la famille et des connaissances. Ceci a pris du temps avant d’identifier une unique coopérative (Au moment de la recherche) certifiée ECOCERT.
Au passage, je relève que la création de centre de certification BIO dans de nombreux pays africains est une opportunité business, qui émerge actuellement.
Transport
Le transport est assuré par fret maritime. Compte tenu des relativement petites quantités à transporter, le prix du transport représente un poste de coût vraiment important, pouvant presque doubler le prix des produits eux-mêmes. On constate que l’offre de transport n’est pas adaptée aujourd’hui à ce type de besoin mais aux envois de masse héritage des structures d’échanges coloniales, par ailleurs il y a une situation de monopole du Groupe Bolloré en Afrique de l’Ouest et Centrale qui bien sûr contribue à verrouiller les tarifs.
Il aurait sans doute une possibilité d’optimisation en groupant les achats avec d’autres entreprises. Ceci devrait être d’autant plus envisageable que les achats de produits se font en saison, pendant les périodes de récolte. Cela nécessite des contacts avec des confrères ayant le même problème. Encore une opportunité de business en Afrique à travers l’affinement de l’offre de transport, mais qui sera certainement longue à émerger. Mais si vous vous reconnaissez dans ce problème de transport, faites vous connaître !
Fabrication et conditionnement
Une activité réglementée
La fabrication et la mise sur le marché de produits destinés à l’alimentation sont des opérations extrêmement réglementées dans les pays compliqués [3]. Ainsi en France, ceci implique une déclaration spécifique auprès de la DGCCRF (Direction Générale de la Consommation et de la Répression des Fraudes).
Obligeant des moyens conformes
Au niveau de la fabrication, les locaux et les instruments doivent être conformes à un cahier des charges précis garantissant l’hygiène (du moins une certaine idée de l’hygiène) et l’innocuité, ils sont soumis à une autorisation qui peut être retirée par l’administration en cas de non conformité.
Aujourd’hui l’entreprise n’a pas de laboratoire en pleine propriété, ce serait un investissement trop lourd. Ce sont, astucieusement des laboratoires de Lycées Agricoles qui sont utilisés en location ponctuelle. Ces laboratoires, utilisés à des fins pédagogiques, sont parfaitement conformes à la réglementation et parce qu’ils ne sont pas utilisés en permanence, ils sont loués à des entreprises privées pendant les temps morts.
Obligeant des processus conformes
Les processus de production doivent être décrits de façon à pouvoir être reproductibles et auditables, les matières premières doivent être traçables, c’est à dire que l’entreprise doit être capable d’identifier, pour un produit fini donné, l’origine de chacun des composants (Fournisseur, date d’achat, n° de lot, lieu de stockage, analyses associées le cas échéant …). C’est un travail de gestion précis et qui peut être contrôlé par l’administration.
Egalement, des analyses du produit suivant un protocole réglementaire sont obligatoires, au niveau du processus de fabrication, et au niveau de la composition du produit (tableau nutritionnel), ces dernières devant être faites dans un laboratoires agréé, et les résultats reportés sur l’étiquetage.
Obligeant des étiquetages conformes
Voila un sujet qui pourrait être considéré comme anodin et secondaire, pourtant il n’en est rien, bien au contraire ! Ce qu’on doit mettre sur l’étiquette, ce que l’on ne doit PAS mettre, constitue une véritable science. Dans la réalisation de ses premières étiquettes, l’entreprise a connu des déconvenues, malgré l’assistance de professionnels en la matière, des choses ont échappé et ont été épinglées par l’administration (avec bienveillance pour une entreprise débutante heureusement). Par exemple, l’usage du terme confiture ou gelée est interdit pour autre chose qu’un fruit, et par exemple une gelée fabriquée à partir du jus de fleur d’hibiscus ne peut y prétendre, une fleur n’étant pas un fruit !
Dans ce domaine, Nadia constate qu’on apprend par l’expérience et l’erreur …
Marketing vente
Au départ le consommateur visé est la personne active de la classe moyenne, la motivation identifiée étant la recherche de bien être physique, le soin de sa santé et de son énergie, l’argumentaire s’appuyant sur les composants bénéfiques des produits et leur caractère naturel. La marque des produits : BIO Mansoa annonce la couleur.
Les méthodes de ventes retenues sont initialement la vente par internet [4] et les salons à thématique BIO, bien être, soin de la personne.
Vente en ligne internet
Dans son business plan initiale, Rydinature se présentait somme un eCommerce, pourtant, ce canal de vente, mis en place dès le début de l’entreprise, s’est révélé relativement décevant. Aujourd’hui par exemple il représente à peine 20 % des ventes totales de l’entreprise.
En effet, il ne suffit pas de poser le site, des recherches sur “produit du baobab” ou similaires, vont renvoyer des centaines de milliers de hits, comment sortir de la masse ? La promotion du site est un vrai travail qui demande une vraie réflexion, une attention, un suivi continu, la mise en place d’une stratégie de promotion … Tout cela n’a pas encore été vraiment fait de façon systématique.
Ensuite, du point de vue pratique, le transport reste un point délicat pour les bouteilles de verre, il y a eu pas mal de casse au début, il a fallu améliorer les emballages, ce qui ajoute au coût et au temps passé en préparation.
Vente directe
Contrairement au plan initial, c’est ce qui s’avérera être le nerf de la guerre de l’entreprise !
Dans un premier temps l’entreprise va participer à des salons BIO. Ces salons permettront de vendre d’une part, mais ils auront aussi le grand mérite d’être des sources d’information et d’apprentissage grâce aux échanges avec les autres participants, un salon n’est donc pas seulement un lieu où on peut vendre ses produits, c’est aussi un lieu où on a l’opportunité d’apprendre de ses collègues. Ce point est intéressant souligner car ce n’est pas forcément quelque chose que l’on identifie à priori comme bénéfice d’un salon.
Un des salons sera un échec total mais essentiellement parce qu’il ne correspondait pas au positionnement de l’entreprise, la décision d’y participer avait été improvisée, sans renseignement préalable, les produits BIO Mansoa se sont retrouvés perdus au milieu des charcuteries lorraines … incongrus ! Un tel échec démontre à contrario la force d’un salon ciblé.
Le deuxième moyen de vente directe est, depuis peu, un emplacement permanent au marché central de Nancy qui s’avère un grand succès, la qualité et l’originalité des produits allié au charisme de Nadia vont faire merveilles, la presse régionale va remarquer la nouvelle venue et faire un papier élogieux qui va drainer de nombreux prospects qui se transformeront en de nombreux clients réguliers.
Une des découvertes à cette occasion sera que la majorité des clients est constituée par des personnes âgées ! Encore un fait qui n’était pas du tout anticipé au départ.
Business plan et financement
Un business plan a été réalisé de façon classique avec un plan de financement, comptes d’exploitation & bilans prévisionnels etc … Démontrant une rentabilité de l’entreprise dès le premier exercice comptable. Tout ceci s’est, bien sûr, révélé faux, mais sans cela et sans cet optimisme, difficile d’obtenir un financement …
L’entreprise obtiendra en effet d’une part un prêt OSEO [5] de 7000 € , et un prêt bancaire de 28000 € assorti d’un apport personnel. Le dispositif OSEO apporte une caution du prêt auprès de la banque, ce qui est bien sûr un point déterminant dans la décision, moins il y a de risques, plus la décision est aisée pour la banque !
Il faut aussi comprendre que démarrer une entreprise de rien implique financer du temps. Nadia explique qu’entre la création de l’entreprise et les débuts effectifs de l’activité de vente, il va s’écouler 7 mois. Pendant tout ce temps il y a des dépenses, des tâtonnements, des recherches de fournisseurs et de clients, des démarches … Il faut donc penser à pouvoir assurer sa subsistance pendant ce temps si l’on ne veut pas trop entamer le capital social avant même d’avoir démarré!
Avenir
Rydinature a sans aucun doute marqué son premier essai, le plus important: elle a de bons produits qui sont appréciés pas ses clients. Il s’agit maintenant de réaliser une série de transformations pour asseoir l’activité et passer à une échelle supérieure :
- Sous-traiter la production
- Développer la vente indirecte
- Industrialiser les processus et le site de vente
Un projet à moyen terme qui tient Nadia à coeur est aussi de produire au Sénégal. Il y a deux axes dans cette idée :
- Produire les produits finis pour l’exportation hors Afrique.
- Produire les produits finis pour le marché local ou sub africain.
On peut se rendre compte, après l’aperçu des détails réglementaires que produire pour le marché européen nécessite une certaine sophistication dans les fournitures et pourra éventuellement impliquer une importation d’éléments comme les emballages, qui risquent donc d’être encore plus coûteux à approvisionner qu’en Europe. C’est quelque chose qui doit donc se mesurer soigneusement.
La deuxième option est sans doute plus réaliste à court / moyen terme et peut servir de tremplin pour la première.
Ce serait certainement une grande joie pour Nadia et sa famille de contribuer ainsi au développement africain.
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[1] Initiales des prénoms de la famille Cario : Ryan, Didier & Nadia …
[2] Voir Business Plan : 5 mythes à éradiquer
[3] Je propose de remplacer systématiquement l’expression “pays développés” par “pays compliqués” qui me parait plus pertinente et instructive.
Bravo à Nadia pour ce bel exemple d’audace et de business intelligent. Bonne continuation à elle et ses produits.
Muungano Kuokoa.
bonjour
je tiens à vous féliciter pour ce travail déjà entamer, prenez le courage et tenez ferme à votre projet.
L’expérience est à soutenir car personne viendra développer nos produits locaux pour nous
Que Dieu vous bénisse
BARRO
Waoooooooh !!!!!!
Bel exemple de réussite .