Dans cet article, je compare les services de restauration rapide à l’occidentale avec les mêmes services en Afrique.
En bref, Mac Donald contre restauration de la rue !
En effet, la restauration des rues dans les villes africaines prodigue exactement le même service que le fast food à l’occidental, il s’agit pour le client de se nourrir rapidement et à coût réduit lorsqu’il est hors de chez lui.
Comparaison partiale
Je dois avouer en vrai, qu’il ne s’agira pas d’une comparaison impartiale, je vous le dis tout de suite, je ne mets pas les pieds dans les fast food type McD & co mais par contre j’adore manger dans la rue. Mais ne le répétez pas ça pourrait nuire à la crédibilité de l’article, je compte sur votre discrétion, merci !
Pour le juge impartiale donc, il n’y a pas photo, à Conakry par exemple, je peux manger une énorme assiette de fonio sauce arachide pour 30000 Francs Guinéens (un peu plus de 3 euros) en fait je ne peux même pas tout manger, il y en a trop et je dois partager avec quelqu’un, ce qui constitue un avantage secondaire en fait.
C’est fait du jour, c’est frais, c’est sain, les produits sont de bonne qualité et c’est bon !
Chez McD & co, c’est hygiénique – point. Et en décodé, hygiénique ça veut dire exactement que ce n’est pas frais, que ce n’est pas sain, que les produits sont de mauvaise qualité, que ce n’est pas bon, et que sans avoir partagé avec qui que ce soit, vous avez encore faim !
Et de plus ça coûte l’équivalent d’environ 50000 GNF, je le rappelle pour deux bouts de pain pas frais bourrés de conservateurs, des raclures de viandes aux hormones, et des produits chimiques innommables en guise de rehausseur de goût.
Ca c’est le point de vue du client, maintenant si on regarde l’envers du décor ce qui est frappant c’est :
La partie cachée de l’iceberg
Derrière les McD & Co il y a toute une organisation, toute une législation, des contrôles sanitaires, des accords entre la chaîne et ses affiliés, des relations complexes à gérer, une centrale d’achat, un système d’approvisionnement, une comptabilité sophistiquée, une énorme machine de promotion et de marketing …
Bref il y a une machinerie très complexe qui emploie beaucoup de personnes et qui n’a rien à voir avec la nature du service fondamental qui est de délivrer de la nourriture à des gens qui veulent se nourrir rapidement et à coût raisonnable. C’est cette machinerie qui coûte cher, pas les produits !
Dans le système africain, à l’opposé du précédent, toute l’activité et les coûts afférents, sont centrés au contraire sur les produits et le savoir faire.
Les produits viennent du marché local, ils sont achetés quasiment au jour le jour et sont apprêtés localement chaque jour, l’activité ne demande pas d’infrastructure compliquée, peu de locaux, pas de frigos, pas d’électricité, juste un peu de charbon de bois, voire de gaz. En prime les restaurateurs nettoient l’espace public.
Le système africain est en réalité beaucoup plus efficace !
Vous pourrez objecter qu’il n’y a pas de contrôle qualité ni sanitaire …
Ok, mais d’une part ce n’est pas nécessaire car il y a beaucoup moins de risques dans l’organisation africaine que dans l’organisation “moderne” il y a considérablement moins d’intermédiaires, de transport, de conservation … et d’autre part ma foi, cela fait appel à la responsabilité du client, à son jugement.
Vous pouvez voir directement les personnes responsables devant vos yeux et apprécier la façon dont elles travaillent, vous choisissez et vous assumez votre choix, je trouve ça très bien comme ça, très formateur.
Dans les pays compliqués [1], vous êtes supposé faire confiance au système de protection, vous ne pouvez plus exercer votre jugement. Résultat vous mangez n’importe quoi sans discernement, et vous n’apprenez rien et si vous devez être intoxiqué, vous n’avez aucun moyen d’y échapper car vous ne maitrisez rien en tant que client d’un tel système !
Personnellement, je me sens en totale confiance lorsque je mange dans la rue en Afrique, en ayant choisi mon prestataire, mais je n’ai aucune confiance à manger dans un fast food en Europe (et pour cela je n’y mets JAMAIS les pieds – et je l’interdis à mes enfants)
Quelques considérations macro-économiques
Déjà, la totalité (ou peu s’en faut) des Restaurateurs Urbains Rapides Africains (RURAF nouvel acronyme à la mode !) sont dans le secteur informel c’est à dire que leur chiffre d’affaire échappe à toute comptabilité, il ne rentre pas en ligne de compte dans le calcul du PIB notamment ni donc dans les statistiques de la croissance.
Par ailleurs, ils ne contribuent pas non plus aux coûts des services publics, toutefois ils ne les sollicitent pas beaucoup (peu d’usage de l’infrastructure routière, peu d’usage de l’électricité …)
Mais il représente néanmoins un business important. Par exemple à Conakry, qui compte environ 2 millions d’habitants, il y a peut être 40000 repas qui sont servis tous les jours dans la rue midi et soir, à 30000 GNF par repas en moyenne cela fait un CA de 1 200 millions de GNF soit grossièrement 130 000 Euros par jour, c’est un business non négligeable !
Imaginons maintenant que McD & Co décide de s’implanter à Conakry, ils vont eux payer leur contribution aux services publics par le biais des cotisations sociales et des impôts sur les sociétés. Mais ils vont être aussi considérablement plus demandeurs, ils doivent importer des produits de l’étranger, ils ont beaucoup plus besoin de transporter par route leurs approvisionnements, ils ont besoin d’électricité de façon continue pour leurs frigos … Bref, on constate que les équipements collectifs sont nécessaires pour leur business et qu’ils vont s’appuyer dessus dans des proportions bien plus importantes que les RURAFs.
Paradoxe du calcul de la croissance
Maintenant, le chiffre d’affaire de McD & Co va entrer dans le calcul du PIB et va contribuer à l’apparente “croissance” du pays, même si parallèlement les RURAF sont concurrencés et que leur chiffre d’affaire diminuant, la réelle richesse du pays n’a pas changé dans la réalité ou même a diminué du fait de la diminution du CA des RURAFS.
Il est donc tout de même paradoxal de constater qu’un système qui rendrait pour ses clients un service de moins bonne qualité pour un prix plus élevé, et qui impliquerait plus de dépenses publiques serait celui qui soit compté comme contributeur à la croissance du pays !
Bon, les devoirs pour les lecteurs maintenant :
- Que pensez-vous de ce paradoxe ?
- Vous êtes plutôt RURAF ou plutôt McD ? (En imaginant que vous ayez le choix)
Pour les forts en thème :
- Comment pourrait évoluer le service de restauration rapide à l’avenir ?
- Les RURAF ont-ils intérêts à sortir du secteur informel ?
- Comment pourrait-il se prémunir d’une éventuelle concurrence du modèle McD ?
- Tout en préservant son originalité et en apportant sa contribution aux services publics ?
Nous attendons vos commentaires avec impatience !
[1] je proposerais de remplacer systématiquement l’expression “pays développés” par “pays compliqués” qui me parait plus pertinente et instructive.
Pour alimenter la réflexion sur le secteur informel, ci-dessous un excellent entretien avec le sympathique Professeur Filiga Michel SAWADOGO qui s’exprime avec bon sens.
Juriscope – 30 janvier 2012
Réalisation : CNED Audiovisuel
Excellent article!
A mon avis les mairies en Afrique devraient mettre en place une structure chargé de l’éducation des vendeuses et vendeurs ambulants concernant les règles d’hygiène à respecter lors de la préparation des repas, on pourrait par exemple mettre à leur disposition un endroit ou elles/ils viendraient préparer leur repas ce qui représenterait un gage du respect des conditions d’hygiène minimum.
Hello Kady,
de mon expérience, je n’ai jamais rencontré de problème « d’hygiène » dans la restauration de rue. Ces restaurateurs font comme pour eux, comme à la maison et c’est tout.
Par contre, j’ai vu des problèmes dans les restaurants.
Aujourd’hui, à moins de connaitre effectivement l’endroit (car il y a bien sûr des restaurants corrects), il est à priori plus sûr de manger dans la rue que dans un restaurant inconnu !
(Pour l’anecdote, j’avais un collègue consultant européen qui n’osait pas manger dans la rue, il a été intoxiqué durement dans un restaurant style verre inox propreté garantie … Après ça il a révisé son jugement sur les RURAFs)
Bonjour Pascal,
En effet la comparaison RU/MacDo est problématique et pour ce qui me concerne est clairement à la faveur des RU. Je me pose cependant la question de savoir quelles sont les leçons qu’on tirerait d’autres formes de restaurateurs de rue comme ceux qui existent dans certains pays d’Europe de l’Ouest et surtout d’Europe de l’Est…A mon avis, on verrait quand même des efforts restent à faire à plusieurs niveaux et que le secteur peut être amélioré…sans que leur identité soit modifié.
C’est des expériences déjà tentées et qui méritent d’être approfondies.
Salutations
Bonjour Paul,
Après la visite du roi du Maroc à Conakry en Mars dernier, le Gouvernorat de la ville a interdit les RURAFs du centre …
Il est stupéfiant de constater d’une part l’esprit entrepreneurial de ces gens (des femmes pour l’essentiel d’ailleurs), leur sens de l’organisation et du service et de voir à quel point d’autre part, cet esprit est découragé, méprisé, empêché par les autorités alors qu’on loue l’entreprise à longueur de pages dans tous les médias ! Et que les autorités s’en gobergent en colloques multiples, notamment lors de la visite en question !
Reconnaître la restauration de rue en Afrique comme un fait positif, sur lequel on peut bâtir. Encadrer l’activité de façon raisonnable en AIDANT les artisans à acquérir un statut est une chose faisable qui n’aura que des conséquences positives pour tout le monde.
Si tu as des exemples qui vont dans ce sens, merci de les pointer.
Aujourd’hui les artisans ne sont pas convaincus de sortir de l’informel d’abord à cause de la crainte des autorités, alors que tout le monde devrait COOPERER.
Il y a une sorte d’auto-sabotage africain dramatique la !
Pourtant, si on s’en tient à une comparaison objective cette restauration est EFFICACE et RATIONNELLE. Elle surpasse de très loin les fast food à l’occidentale qui sont une aberration économique, sanitaire, culturelle, gustative … des choses lamentables, un symbole de la décadence occidentale et de la rapacité sans limite des grandes entreprises, un anti-modèle absolu !
Paul m’a entendu !
voici un excellent exemple d’évolution de la restauration de rue dépeint avec talent :
http://psychorganisons.com/2014/06/13/petits-trucs-efficaces-de-tchop-et-yamo
J’apprends qu’à Conakry, le Gouvernorat de la Ville fait la chasse aux Restaurateurs Urbains en leur interdisant leur activité sous prétexte de combattre le désordre.
Je viens de m’exprimer sur ce sujet dans l’article suivant sur Next Afrique :
http://www.nextafrique.com/blogs/regards-sur-lactualite/genie-entrepreneurial-africain-meprise
Visitez, et faites suivre !
Très bonne analyse , des deux systèmes
En fait je crois que les experts doivent réviser leurs critères d’évaluation de la croissance
Je suis plutôt RURAF , souvent chez au Cameroun , il vaut mieux manger un bon ndolè ,( un des plat national du Cameroun ) chez la femme du coin de la rue , que celui vendu dans un restaurant , parfois il est meilleur , à côté du plat de cettefemme un McDO , ne vaut rien .
La meilleure façon de se prémunir du mcDO , c’est de mieux organiser , les services des RURAF , à l’image de ce que les indiens font avec leur dabawala , qui ont fait l’objet de nombreux reportages ,
voir : http://www.dabbawala.fr/presentation.php
Je crois que le système des indien est bien pensé , et s’adapte bien à la réalité de leur pays , il suffit de le transposer ailleurs , tout en tenant compte des réalités de chaque pays .
voir aussi:http://www.youthxchange.net/fr/main/mumbay.asp