OHADA : Le bail à usage professionnel 32


Toute entreprise aspire à avoir une domiciliation afin accroître sa visibilité et asseoir son activité. Il en résulte l’urgence des locaux, qui peuvent notamment être loués à travers un bail à usage professionnel.

La réforme OHADA a requalifié et spécifié ledit bail, tout en préservant son atout majeur …

Qualification

Business-en-Afrique-Bail-ohada-1Le bail à usage professionnel se singularise par la destination des locaux loués. Ces derniers doivent être affectés à une activité professionnelle. Ainsi, sont concernés, selon l’article 101 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général :

  • les locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel (par exemple, garage, pressing, cabinet d’avocats) ;
  • les locaux accessoires dépendant d’un local ou d’un immeuble à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel ;
  • les terrains nus sur lesquels ont été édifiées[1] avant ou après la conclusion du bail, des constructions à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel ;

Il est à noter que les locaux loués (preneur) ou fournis (bailleur) par les Entreprises Publiques sont soumis à ce même article (La qualité d’Entreprise Publique ne change rien en la matière).

A contrario, est exclu de la qualification de bail professionnel, le bail à usage d’habitation.

En sus, la jurisprudence[2] a exclu de cette qualification :

  • un bail entre une entreprise et un bailleur personne physique, dès lors que le local était destiné au logement du directeur général d’où un usage d’habitation ;
  • un bail souscrit par un parti politique (personne morale) relatif à des locaux pour usage des bureaux ;
  • une convention d’occupation ayant pour objet des biens dépendants du domaine public même si les parties sont des personnes privées.

Typologie

Le bail à usage professionnel peut être verbal ou écrit. Selon sa durée, nous distinguons deux (2) types de bail à usage professionnel[3] :

  • le bail à durée déterminée : il se particularise par le terme connu d’avance par les parties.
  • le bail à durée indéterminée : son terme n’est pas fixé.

Il est à noter en sus, que le bail verbal est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Obligations

Le bail met en présence deux (2) parties : le preneur et le bailleur. Leurs qualités induisent le respect de leurs obligations respectives. Business-en-Afrique-Bail-ohada-3

Ainsi, le bailleur[4] est tenu :

  • de délivrer les locaux (mise à disposition) ;
  • de procéder aux grosses réparations (gros murs, voutes, poutres, toitures, murs de soutènement ou de clôture, fosses septiques…) ;
  • responsable des troubles de jouissance survenus de son fait ou du fait de ses ayants-droit.

Pour sa part, le preneur[5] est tenu de :

  • payer les loyers aux termes convenus (obligation essentielle) ;
  • exploiter les locaux en bon père de famille ;
  • effectuer les réparations d’entretien du local.

Atout : droit au renouvellement du bail

La qualification de bail à usage professionnel comporte un atout majeur. Ce joker est le droit au renouvellement du bail dont dispose le preneur. Ce droit s’applique indépendamment de la nature déterminée ou indéterminée du bail.

Conditions de mise en œuvre de cette prérogative [6]

  • le preneur doit avoir exploité les locaux loués au moins pendant deux (2) ans ;
  • le preneur exerce effectivement ce droit au renouvellement par ses actions.

Exercer le droit au renouvellement

  • dans un bail à durée déterminée au plus tard trois (3) mois avant l’expiration dudit bail, le preneur doit exprimer sa volonté de renouvellement au bailleur ;
  • dans un bail  à durée indéterminée dont la durée du préavis est d’au moins six (6) mois, le preneur doit s’opposer au congé qui lui serait signifié par le bailleur.

L’exercice de ce droit par le preneur implique une signification par voie d’huissier ou une notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire.

Conditions d’opposition du bailleur

Toutefois, le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail mais en réglant au locataire une indemnité d’éviction, aux termes de l’article 126 de l’Acte Uniforme précité. Celle-ci est un versement correspondant au préjudice subi par le preneur en raison de son éventuelle délocalisation.

En cas de désaccord sur le montant de cette indemnité, la juridiction compétente la détermine en fonction notamment du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés, de la situation géographique du local, et des frais de déménagements conséquents.

Exceptionnellement, le bailleur est dispensé de verser l’indemnité d’éviction dans les cas suivants :

  • la justification d’un motif grave et légitime contre le preneur ;
  • la démolition de l’immeuble loué en vue d’une reconstruction ;
  • l’occupation des locaux d’habitation accessoires des locaux principaux par lui-même ou sa famille (conjointe, ascendants, descendants…), sauf s’ils forment un ensemble indivisible avec les locaux principaux.

Conclusion

La perspective de percevoir des loyers est une option reluisante du bailleur. Toutefois, il en résulte une certaine dépendance envers le preneur, compte tenu du fait que ce dernier est protégé par une indemnité d’éviction entraînant une incitation au droit de renouvellement du bail. Le bailleur pour se libérer devrait donc payer, sauf dispenses légales, une facture salée.
N’hésitez pas à poser vos questions dans les commentaires ci-dessous et, si vous avez aimé cet article, partagez-le sur vos réseaux favoris !


Bibliographie


[1] Avec le consentement express du propriétaire.
[2] Code pratique OHADA.
[3] Selon l’article 104 dudit Acte Uniforme.
[4] Selon les articles 105 et suivants de l’Acte Uniforme précité.
[5] Aux termes des articles 112 et suivants dudit Acte Uniforme.
[6] Conformément à l’article 123 de l’Acte Uniforme précité.


A propos de Thérèse Beticka

Co-créatrice du blog Business-en-Afrique.net, Fondatrice Gérante du Cabinet Daisy Conseils, Enseignante en Droit des Affaires, Consultante externe près la Commission Nationale OHADA Guinée, Arbitre CCJA (Cour Commune de Justice et d’Arbitrage à Abidjan)

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32 commentaires sur “OHADA : Le bail à usage professionnel

  • Sessou

    Comment pratiquer une augmentation du loyer pour un bail commercial au Bénin ? Sur quel.s indice.s sachant qu’en dix ans, rien n’a été augmenté ?

    Merci d’avance.

  • Franck Klai

    Bonsoir Monsieur, est ce qu’un bailleur peut résilier un contrat de bail à usage professionnel pour permettre à son fils d’occuper les meubles afin d’ouvrir son cabinet d’architecture ?

  • JOHN ILUNGA

    Pour un bail professionnel d’une durée de 3 ans. Quelles sont les options envisageables au bailleur qui, une année après voudrait mettre fin au contrat?

    • Koko Kodjo

      Il s’agit d’un bail à usage professionnel à durée déterminée. Tout contrat à durée déterminée ne prend fin qu’à l’échéance. Ainsi, le bailleur n’a pas assez d’options; soit il doit attendre la fin; soit il faut l’accord des parties avant que de mettre fin à ce bail à usage professionnel à durée déterminée.

  • Loupet letitia

    C’est un article enrichissant mais la pratique très souvent nous sommes confrontés à deux problème le non paiement de loyers et la lettre de préavis de6 mois alors que le preneur est déjà dans l’incapacité de payer son loyer ça n’arrange pas les choses !

  • Raoussoun NIGNAN

    Bonjour,
    je voudrai savoir si un bail à durée déterminée qui a été renouvelé deux fois par tacite reconduction (03 ans) devient obligatoirement un bal à durée indéterminée.
    Merci

  • Bi Gotta Lafleur Bénié

    bonjour
    selon l’AUDCG la durée habituelle est de 3,6,9 ans pour un bail à usage professionnel à durée déterminée, on je vois certains contrats dans lesquels il écrit : contrat conclu pour un an renouvelable. je ne comprends pas

  • Mengome Christian

    Bonjour, svp si dans un contrat à usage professionnel le bailleur décide de rompre le bail sachant que le que le preneur avait érigé un bâtiment, à qui revient le bâtiment ???
    Nb: au début du contrat le bailleur ne possédait que le sol

  • Dominique Ahou

    Merci pour l’article. En tant qu’expert judiciaire, nous sommes amenés à calculer l’indemnité d’éviction. Nous sommes très souvent confrontés à des locataires qui sont des artisans qui ne tiennent pas de comptabilité et des contrats de bail verbaux. Il se pose alors la difficulté suivante:
    – quelle durée utilisée pour calculer le loyer supplémentaire à supporter dans le cas d’un transfert de local avec un loyer plus élevé?
    – quel chiffre d’affaires retenir pour estimer la perte du chiffre d’affaires
    – quel taux d’actualisation utilisé pour l’excédent de loyers futurs?
    Merci
    Dominique

  • Amandine TOKAM

    Cet article est intéressant de plus d’un point de vue mais ma démarche elle est a contrario.
    Lorsqu’un contrat de bail à usage professionnel est conclu pour une durée déterminée disons 3 ans par exemple; si en cours de contrat, le preneur ne souhaite pas exercer son droit au renouvellement mais le résilier, comme l’action en résiliation pourrait-elle être menée de manière à éviter tout préjudice?
    Votre réponse m’édifierait. Merci

  • Amandine TOKAM

    Très intéressant. Merci
    Je souhaite être informé de toutes les évolutions relatives au droit des affaires OHADA surtout qui touchent le Droit commercial général ainsi que le droit des sociétés.

  • Heras Pierre

    Une association qui louait un petit local et un espace pour y exercer une activité commerciale (maquis en l’occurrence) depuis une dizaine d’année, a forcé le preneur à déguerpir immédiatement sans préavis ni indemnité d’éviction pour réaliser plusieurs locaux commerciaux à mettre en location. Le bail commercial était à durée indéterminé puisque pas d’écrit. Cette association agit-elle légalement ? CA ; 12 millions de FCFA, marge brute 1,8 million, charges salariales loyer et divers : 0,9 million. revenu brut annuel 900 000 FCFA. La personne est sans revenus depuis un an et dans un état psychologique et de santé très endommagé. Quels pourraient etre sa réparation si elle intentait un recours auprès du tribunal de commerce ?

    • Thérèse Beticka Auteur de l’article

      la 3ème hypothèse induit que le bailleur peut reprendre les locaux accessoires aux locaux principaux d’un bail professionnel pour habiter soi-même ou sa famille (femme, parents, enfants). L’exception de cette hypothèse résulte du fait que les locaux accessoires et les locaux principaux soient confondus ou constituent une seule entité.

  • Samuel Pemabou

    Bonjour, j’ai beaucoup appris de votre article. Cependant je souhaiterait recevoir un modèle de contrat de bail professionnel conforme à la réglementation OHADA.
    Merci d’avance.

    • Pascal Rodmacq

      Ce qu’on appelle crédit bail est le financement d’un achat par un organisme financier qui fonctionne de la façon suivante :
      la banque achête le bien (typiquement un bien d’équipement) et l’entreprise en dispose en échange d’un loyer convenu et d’une durée convenue (par exemple 3 ans).
      Pendant la période de remboursement, l’organisme financier reste propriétaire du bien.
      A l’issue de la période de remboursement un tranfert de propriété est fait contre une valeur résiduelle en générale très faible, ce transfert peut être optionnel en fonction du contrat.

  • isaac

    Bonsoir. J ai vraiment apprecié votre reflexion sur le bail a usage professionnel.
    J aimerais savoir qu’entendez vous par <> ?

    Merci